Réaliser le vol ultime : le premier tour du monde en ballon sans escale
A l’origine, un rêve considéré comme impossible : voler autour de la terre, sans moteur ni gouvernail, poussé simplement par les vents. Les médias y virent la dernière grande aventure du siècle. Plusieurs milliardaires comme Richard Branson et Steve Fossett s’y lancèrent sans succès. Après deux échecs, Bertrand Piccard, accompagné de l’anglais Brian Jones, remporte le trophée en mars 1999. Une épopée qui a passionné le public par son côté métaphorique entre rêve et persévérance pour réaliser l’impossible ; l’aventure humaine pour écrire une nouvelle page d’histoire ; le développement technologique ; sans oublier le côté sportif, avec 7 records du monde à la clé.
Les pôles, les continents, les sommets, l’espace et les abysses avaient été explorés, mais le ballon, bien qu’inventé en 1783, n’avait pas encore fait le tour de la terre ! Lorsque Bertrand commença à mettre sur pied le projet Breitling Orbiter, le ballon qui avait volé le plus longtemps dans l’histoire n’avait tenu l’air que 6 jours. Pour réaliser le tour du monde, il fallait imaginer et construire un nouvel engin avec une autonomie de 3 semaines, mi-ballon à gaz, mi-montgolfière, pour se laisser pousser par les vents, chercher les bons courants et au final arriver à se diriger. Jules Verne l’a imaginé. Bertrand et Brian l’ont fait !
Dès 1992
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Après sa victoire dans la traversée de l’Atlantique en ballon, Bertrand rêve de se lancer dans un projet considéré jusque là comme impossible : le tour de la Terre simplement porté par les vents, sans moteur ni gouvernail.
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Une vraie compétition internationale
Un défi convoité, écrire une nouvelle page de l’histoire
Ce rêve à la Jules Verne tenta depuis 1981 de nombreux aéronautes et devint une véritable compétition au début des années 90. La Fédération Aéronautique Internationale en édicta les règles.
Durant plusieurs années, de nombreux concurrents se lancèrent dans des recherches approfondies et vécurent des échecs cuisants : les ballons Jules Verne de Max Anderson, Earthwind de Larry Newman, Virgin Global Challenger de Richard Branson, Breitling Orbiter de Bertrand Piccard, Solo Spirit de Steve Fossett, J-Renée de Kevin Uliassi, Global Hilton de Dick Rutan, Cable and Wireless d’Andy Elson, pour ne mentionner que ceux qui ont réussi à décoller. Si c’était facile, tout le monde l’aurait déjà fait !
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1997
1ère Tentative :
Breitling Orbiter 112 Janvier 1997, Bertrand annonce un vol de 15 jours dans les jets streams : après 6 heures de vol seulement, sa capsule flotte misérablement en Méditerranée ! Une fuite massive de carburant l’a obligé, lui et son coéquipier Wim Verstraeten, à effectuer un amerrissage d’urgence en raison du risque d’explosion.
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« Nous étions partis pour ce que les médias appelaient la dernière grande aventure planétaire dans un des plus beaux ballons jamais construits et nous avions couvert à peine 500 kilomètres… Nous avions déçu tant de monde. C’était le plus gros échec de ma vie…Une façon, en quelque sorte, d’être vacciné à jamais contre le ridicule ! Et de découvrir que l’esprit de pionnier n’est pas automatiquement associé à de grandes réussites. »
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1998
2ème Tentative :
Breitling Orbiter 2.Après neuf jours de vol, nouvelle désillusion mais record du monde absolu de durée : Breiting Orbiter 2 parviendra cette fois à atteindre l’Asie. Mais devant le refus des autorités chinoises d’accorder l’autorisation de survol de leur territoire, Bertrand et ses deux coéquipiers Andy Elson et Wim Verstraeten doivent se résigner à un atterrissage volontaire dans la campagne birmane.
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« Il existe une façon de ne jamais rien rater… c’est de ne jamais rien tenter. Mais, pour réussir, il fallait changer d’altitude dans notre projet, nous remettre en question très concrètement dans nos plans et nos stratégies. Il était hors de question de repartir avec l’idée d’un vol rapide dans les jet-streams puisque cela ne nous laissait pas la manœuvrabilité nécessaire pour éviter les obstacles qu’il soit politiques, géographiques ou météorologiques. Nous avions donc besoin d’un ballon différent, capable d’exploiter toutes les couches atmosphériques sans consommer plus de gaz et surtout de pouvoir attendre à basse altitude que les courants les plus élevés prennent une meilleure trajectoire. Nous fîmes le choix de brûleurs fonctionnant au propane plutôt qu’au kérosène et d’une enveloppe différente, beaucoup mieux isolée thermiquement. »
Mars 1999
Le vol victorieux autour du monde
Breitling Orbiter 3, le plus long vol en durée et en distance de l’histoire de l’aviation
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« Un ballon qui prend son envol dans le ciel glacial de l’hiver, un ballon qui s’élève, par-delà les montagnes, et puis qui disparaît. Nous étions tous des enfants, à regarder Piccard et son compagnon s’élever dans les airs, chercher les vents, prétendre au tour du monde. Simple comme le rêve d’Icare. Comme une page de Jules Verne. Comme une étoffe de folie, volatile, élégante, accrochée à nos haillons de pesanteur. »
Pascal Décaillet, Radio Suisse Romande -
Respecter les restrictions pour le survol de la Chine
La première difficulté consiste à descendre en dessous du 26ième parallèle pour respecter les restrictions chinoises. Soit pour les deux magiciens de la météorologie, Luc Trullemans et Pierre Eckert, essayer de faire passer un fil à travers le trou d’une aiguille à 15’000 kilomètres de distance ! Ce fût un succès!
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Ouvrir la voie et les frontières
Un tour du monde est aussi un tour des pays, des hommes et des politiques régionales. Les contrôleurs aériens et les diplomates suisses sont en permanence mis à contribution pour ouvrir la voie à travers l’Egypte, le Yémen, l’Inde, la Chine et le Japon.
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Trouver la bonne trajectoire
11 jours pour arriver au Pacifique, concentrés à 100% pour maintenir au mètre près les altitudes calculées par les météorologues, naviguant parfois dans les jet streams mais souvent dans des vents beaucoup plus lents, jouant avec des zones de basse pression sur la Méditerranée et de haute pression sur l’Inde. Les choix stratégiques sont souvent douloureux. Vaut- il mieux voler vers le Nord dans des vents rapides ou plus au sud dans des vents lents ?
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Traverser le Pacifique
A l’approche du Pacifique, la question se pose de façon d’autant plus douloureuse que la route sud rajoute 4000 kilomètres au trajet ! C’est pourtant cette option que les météorologues proposent, en raison de tempêtes sévissant au Nord.
Dans des vents de 30 km/heure, entourés de nuages d’orages, coupés du centre de contrôle par des problèmes d’antenne satellite, Bertrand et Brian regardent, impuissants, leurs chances de réussir et leurs réserves de propane diminuer. Après six jours angoissants sur cet océan immense, le pari des météorologues se révèle payant. Le ballon entre enfin dans un puissant jet stream qui l’amène à 180 km/heure vers le Mexique.
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« Franchir le grand océan porté par le vent, quoi de plus merveilleux, de plus précaire, de plus sophistiqué ? Ici s’accordent la poésie et la technologie …Dans la pérennité de son grand-père et de son père, Bertrand Piccard a su ajouter à la saga de cette grande famille une page aussi splendide qu’émouvante. » (Nicolas Hulot)
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Retrouver un jet stream
Mais la vitesse s’écroule encore une fois, et le jet stream éjecte les pilotes en direction du Venezuela, comme il a éjecté Richard Branson quelques mois plus tôt, le contraignant à amerrir au sud d’Hawaï. En désespoir de cause, pour trouver de meilleurs vents à l’approche des Caraïbes, Bertrand tente un dernier coup de poker : dépenser une énorme quantité de propane pour monter aussi haut que possible. Là, à 10’500 mètres, les courants le remettent miraculeusement dans la bonne direction !
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Traverser l’Atlantique
Il reste encore 10’000 kilomètres à parcourir, soit le quart du tour, avec le dernier huitième des réserves de gaz. Seule solution pour réussir : que la vitesse du vent quadruple, et c’est précisément ce qui arriva !
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Se poser en Egypte
Le 20 mars, Bertrand et Brian franchissent à 200km/h le dernier méridien de leur rêve et atterrissent le lendemain en Egypte et dans les livres d’histoire, avec le vol le plus long en distance et en durée de toute l’aviation. Mais plus important encore que leurs 7 records du monde, ils reviennent avec la sensation d’avoir noué avec la planète une relation différente, plus intime et plus respectueuse. Pendant ce vol de 20 jours, le temps d’une trêve olympique, le Breitling Orbiter est devenu un trait d’union entre tous les pays du monde en délivrant, avec le CIO, un message de paix à leurs gouvernements
Découvrez le journal de bord BO3 de Bertrand Piccard
Lire le journal de bord-
Décollage le 1er mars 1999 à Château-d’Oex ( Alpes suisses) Pays survolés Suisse, Italie, France, Monaco, Espagne, Maroc, Mauritanie, Mali, Algérie, Libye, Egypte, Soudan, Arabie, Saoudite, Yemen, Oman, Inde, Bangladesh, Myanmar, République Populaire de Chine, Taiwan, Japon, Mexique, Guatemala, Belize, Honduras, Jamaïque, Haïti, République Dominicaine, Puerto Rico, Mauritanie, Mali, Algérie, Libye, Egypte. Landing le 21 mars 1999 à Dakhla ( Egypte) Distance totale 45'633,791 km Temps de vol total 19 jours 21 heures 47 minutes (477 h 47) record du monde absolu Altitude maximale atteinte 11’737 mètres record du monde par catégorie
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1999-2000
Un exploit célébré partout
Le Breitling Orbiter 3 trouve sa place dans le hall principal du prestigieux Smithsonian Air and Space Museum de Washington, à côté de la capsule d’Apollo 11 et des avions légendaires des Frères Wright, de Charles Lindbergh et de Chuck Yeager.
Les pilotes sont fêtés dans le monde entier et honorés par plusieurs rois et chefs d’états. Bertrand reçoit la Légion d’Honneur, l’Ordre Olympique, la Médaille de Jeunesse et Sport et la Médaille de l’Aéronautique, ainsi que les plus hautes distinctions de la Fédération Aéronautique Internationale, de la National Geographic Society, de l’Explorers Club, de l’American Academy of Achievement, et de multiples associations aéronautiques, scientifiques et sportives.
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Une notoriété au service d’une cause
Les deux pilotes et leur partenaire Breitling concrétisent la promesse faite à l’atterrissage : dédier leur victoire aux enfants du monde et lutter contre des souffrances négligées. Ils créent la Fondation « Winds of Hope », et utilisent leur notoriété pour s’engager dans la lutte contre le Noma, une maladie qui mutile atrocement le visage de centaines de milliers d’enfants dans les régions les plus pauvres d’Afrique et d’Asie.
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Une idée folle
Cet exploit pousse Bertrand à voir plus loin : Après les 20 jours de vol, durant lesquels il faillit manquer de carburant pour réussir son pari, Bertrand imagine un autre tour du monde, cette fois en avion solaire, sans carburant ni émissions polluantes. Solar Impulse est né de cette promesse et de son envie de promouvoir l’esprit pionnier dans le domaine des énergies renouvelables et des technologies propres.
Considéré comme la dernière aventure du 20ème siècle, le tour du monde en ballon laisse entrevoir l’importance d’une nouvelle alliance entre l’homme, la technologie et la nature. Avancer grâce aux énergies propres, respecter la nature et en faire son alliée.
Breitling Orbiter 1
12 janvier 1997 : amerrissage forcé dans la Méditerranée après 6 heures de vol, suite à une fuite de carburant dans la cabine.
Breitling Orbiter 2
28 janvier au 7 février 1998 : record du monde absolu de durée de vol toutes catégories. Atterrissage en Birmanie en raison de l’interdiction de survoler la Chine.
Breitling Orbiter 3
1er au 21 mars 1999 : Premier tour du monde en ballon sans escale, vol le plus long en distance et en durée de toute l’histoire de l’aviation.