Avions électriques : comment l'industrie prépare l'avenir

Au cours des dernières années, des pionniers ont travaillé sur des technologies de rupture dans le domaine de l'ingénierie de la propulsion. Les succès récents de la propulsion électrique et de l'hydrogène semblent être la force motrice d'une aviation moderne et durable. Bien que cette évolution soit confrontée à de nombreux défis, ces pionniers gagnent en crédibilité. Les grands acteurs de l'industrie réagissent à ces tendances en lançant des projets d'innovation à grande échelle - les gouvernements les soutenant politiquement et financièrement, créant ainsi une dynamique de changement. Quelles sont ces innovations ? Quels sont les avantages et les limites ? Qu'avons-nous déjà réalisé ?

Depuis l'introduction des moteurs à réaction il y a plus de 80 ans, l'industrie aéronautique a connu des innovations spectaculaires, mais les fondamentaux sont restés les mêmes. Aujourd'hui, l'industrie aéronautique doit se réinventer pour relever des défis cruciaux. L'industrie contribue à 2 % des émissions mondiales de CO2 et doit réduire son impact environnemental afin de répondre à l'évolution des demandes des consommateurs et de la réglementation. Jusqu'à présent, l'aviation a adopté une approche fragmentée pour relever ce défi et des mesures plus drastiques doivent maintenant être mises en œuvre. Voici ce que pourrait être l'avenir de l'aviation.

Avions électriques avec batteries - déjà une réalité

Les avions électriques ne sont pas une invention nouvelle, ayant participé aux cercles de l'aviation depuis les années 1970. Pendant des décennies, ces avions ont été des appareils expérimentaux avec une faible portée et une charge utile presque nulle. Ces dernières années, le nombre de projets d'avions électriques a explosé(Roland Berger) et grâce aux innovations citées ci-dessous, les vols commerciaux électriques semblent imminents.

Le principal avantage de la propulsion électrique sur batterie est son impact minimal sur l'environnement. Avec des émissions de vol nulles, c'est de loin la façon la plus propre d'exploiter un avion. Il n'est cependant pas encore entièrement propre, car la fabrication et le recyclage des batteries doivent être pris en compte dans l'évaluation d'impact globale. Un autre avantage important de la propulsion électrique est qu'elle est quasi-silencieuse. Cela présente un avantage stratégique pour lutter contre la pollution sonore qui, ces dernières années, est devenue un problème environnemental légitime dans les aéroports. Ces facteurs commencent à expliquer pourquoi les fabricants et les pionniers poussent l'aviation électrique au premier plan.

Depuis 2016, les projets d'avions à propulsion électrique ont commencé à fleurir. À l'origine, ces avions manquaient de fonctionnalité en raison de leur déséquilibre de poids dû à la batterie - ils atteignaient souvent leur poids maximum avec un seul pilote, et n'avaient une capacité de vol que de quelques minutes. Cependant, la technologie des batteries a récemment connu un changement. Grâce à des innovations empruntées à l'industrie automobile, la puissance des batteries a considérablement augmenté pour permettre un vol d'une durée pouvant aller jusqu'à une heure. Les fabricants de batteries ont amélioré leur rapport puissance/poids (puissance délivrée divisée par le poids), le temps de charge et augmenté l'autonomie de l'avion dans son ensemble.

L'innovation constante étant devenue la norme, le nombre de vols électriques a explosé depuis 2019. En moins de 18 mois : le H55 a effectué un vol BRM Aero équipé de son EPS (Electric Propulsion System) en juin 2019. Ampaire a piloté un Cessna 337 équipé d'un moteur hybride en juin 2019. Magnix a piloté un Beaver commercial de Harbour Air (Canada) en décembre 2019 - puis a piloté un Cessna Caravan en mai 2020. Le changement peut être montré à travers la taille des avions. En juin 2020, l'avionneur Pipistrel a reçu la certification de type de l'EASA (European Union Aviation Safety Agency) pour le Velis Electro, alimenté par batterie, le tout premier avion électrique certifié dans le monde. Easyjet a également décidé d'initier le développement de ses vols commerciaux électriques court courrier en partenariat avec Wright Electric. Les vols commerciaux électriques semblent désormais réalisables.

Alors que les tendances récentes montrent des progrès intermittents dans l'industrie aéronautique, on constate un changement sismique dans la crédibilité de la propulsion électrique et de l'alimentation par batterie. L'industrie reconnaît maintenant que l'électricité est une alternative possible aux petits avions et aux vols commerciaux courts. Pour l'instant, les avions électriques long-courriers ne semblent pas réalistes. L'énergie nécessaire pour faire voler un Boeing 787 ou un Airbus A350 nécessiterait un poids énorme de batterie qui n'est pas encore réalisable. De tels projets ont été interrompus, comme le projet E-Fan X (Airbus et Rolls Royce), abandonné en avril 2020 en raison de la crise sanitaire.

Aujourd'hui, les avions électriques alimentés par des batteries ne sont une réalité que pour les petits avions. Si nous savons que nous ne verrons pas encore d'avions long-courriers électriques dans les 20 prochaines années, des innovations récentes ont donné une nouvelle dimension au concept et font tomber les barrières chaque mois. Néanmoins, une autre technologie pourrait permettre la propulsion électrique sans les limites des batteries : l'hydrogène et les piles à combustible.

Avions électriques à hydrogène (piles à combustible) - les futurs avions long-courriers

Depuis le programme spatial Gemini de la NASA dans les années 1960, l'hydrogène a été appliqué dans l'aérospatiale de deux manières différentes : par des piles à combustible et par la combustion. Aujourd'hui, il représente une tendance importante de la propulsion électrique comme moyen de réduire considérablement l'impact environnemental de l'industrie aéronautique.

Il est important de noter que l'hydrogène n'offre pas une alternative aux moteurs électriques, il est une alternative aux batteries. L'hydrogène remplace le besoin de batteries car il est directement transformé en électricité par des piles à combustible. Cette électricité est ensuite utilisée dans le même moteur électrique que celui mentionné précédemment. Ces piles à combustible ne génèrent aucune émission, seulement de l'eau. C'est pourquoi l'hydrogène(vert) est un grand atout pour une aviation propre.

L'avantage des piles à combustible est qu'il échappe au problème posé par les batteries lourdes. En effet, en produisant de l'électricité directement à partir de l'hydrogène, les batteries ne sont plus nécessaires - seulement une alternative légère pour le stockage temporaire. Les piles à combustible sont relativement légères et présentent un excellent rapport puissance/poids. Cependant, elles ne sont pas sans défauts : elles prennent beaucoup de place et le stockage d'un gaz tel que l'hydrogène est difficile, surtout à haute altitude. Les fabricants commencent tout juste à comprendre comment gérer cette technologie. Le premier vol mondial de piles à combustible a eu lieu en septembre 2020 avec ZeroAvia qui a réussi à faire voler un Piper Malibu modifié.

Contrairement aux batteries, le rapport puissance/poids des piles à combustible leur permet d'être éligibles pour les voyages long-courriers. C'est la raison pour laquelle Airbus a décidé de travailler sur un avion à hydrogène à émission zéro pour 2035. Ils ont présenté des concepts hybrides utilisant des piles à combustible à l'hydrogène avec combustion d'hydrogène dans des moteurs à turbine à gaz modifiés.

L'hydrogène a également l'avantage d'être facilement accepté par l'industrie. Les infrastructures existantes ont la capacité de se ravitailler en carburant et pourraient facilement être modifiées pour l'hydrogène - les batteries nécessiteraient une transformation radicale de la chaîne de valeur de l'industrie aéronautique.

Comme pour toute transition à grande échelle, il y a un programme politique à prendre en compte. La Commission européenne encourage le développement de l'hydrogène, notamment pour compenser son écart croissant dans la fabrication des batteries. En misant sur l'hydrogène, les pays européens se positionnent stratégiquement parmi les futurs marchés de l'énergie. Grâce aux investissements à grande échelle d'acteurs mondiaux tels qu'Air Liquide et Engie, et aux aides gouvernementales (Allemagne, France, Royaume-Uni, Norvège), l'industrie aéronautique peut compter sur un soutien fort pour le développement de ce secteur.

L'hydrogène se positionne donc à la fois comme un complément et une alternative aux batteries. L'aviation devra faire coexister ces technologies afin de réduire de manière significative l'impact environnemental de l'industrie.

Que se passe-t-il ensuite ?

L'industrie aéronautique est confrontée à une crise sans précédent dans un contexte environnemental difficile. Alors que l'IATA prévoit un retour à la normale du trafic aérien en 2024, le court terme semble sombre. Cette situation oblige les principaux acteurs du secteur à engager les actionnaires dans des perspectives à long terme en construisant des projets ambitieux et perturbateurs. Compte tenu de la situation écologique, de la nouvelle réglementation et des attentes des consommateurs, la nouvelle vision à long terme est claire : la nouvelle ère de l'aviation est propre et sans carbone.

Heureusement, cette nouvelle ère coïncide avec la maturité de nombreuses innovations technologiques pro-environnementales et une forte volonté politique. L'industrie aéronautique peut compter sur les pionniers de l'industrie pour continuer à faire tomber les barrières grâce à la propulsion électrique et aux piles à combustible. Grâce à l'innovation, à la synergie politique et à la volonté économique, une révolution technologique durable pourrait prendre de l'ampleur dans l'industrie aéronautique.

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