Opinion

Quand les opportunités se trouvent aux endroits les moins attendus

11 novembre 2022 par Bertrand Piccard

Chaque jour de la COP a un thème attribué. Il n'est pas surprenant que le thème de la finance soit le premier après le sommet des dirigeants mondiaux, même s'il a déjà dominé le discours des deux premiers jours.

Nous parlons souvent du changement climatique en termes de coûts - tant financiers qu'humains. Ceci étant, je suis fondamentalement persuadé que l'opportunité commerciale derrière la transition écologique est ce qui peut nous unir dans nos ambitions.
 
 Partons du principe qu’il y a trois phases dans le changement climatique : atténuer l'impact (c'est là que se trouve la véritable opportunité), s'adapter ou payer pour avoir attendu trop longtemps avant d’agir.
 
 Le fait que le sujet des "pertes et dommages" ait été au centre de l'agenda de la COP cette fois-ci est parlant. Cela signifie que nous sommes officiellement entrés dans la troisième phase - le moment sans doute le plus inquiétant et le moins intéressant financièrement parlant.
 
 Alors, comment le monde financier va-t-il y trouver son intérêt ? Je lui recommanderais de se concentrer beaucoup plus sur les économies émergentes afin de diversifier son portefeuille et capter les marchés en croissance. Prenons l'exemple de la production d'énergie renouvelable : dans les marchés émergents, c'est un gaspillage d'argent que de le dépenser en combustibles fossiles importés. Ils devraient créer une capacité nationale, décentraliser la production énergétique qui les rendrait plus résilients et leur permettrait d'être autonomes. Finalement, l'une des meilleures stratégies pour les pays les plus défavorisés de continuer leur développement est la planification écologique.
 
 C’est là que le monde financier sous-estime son pouvoir pour changer les choses. Considérez ceci : il est compliqué de réduire l'empreinte environnementale d’un bâtiment déjà construit. Mais sur le continent africain, 70 % du parc immobilier qui existera en 2040 n'a pas encore été construit. C'est un chiffre extraordinaire, qui m’a marqué lorsque je l’ai lu sur un mur du Pavillon des bâtiments ici à Sharm El-Sheikh. Si nous nous y prenons correctement, nous pouvons garantir un avenir propre en bloquant dès maintenant les émissions de demain grâce à la construction d’infrastructures durables, et en débloquant des investissements devenus dès lors attractifs. Potentiellement, cela pourrait être beaucoup moins laborieux que dans les économies avancées. Ceci est vrai non seulement pour le secteur du bâtiment, mais également dans celui de la gestion des déchets ou de l’énergie. Je discutais ce matin à la COP avec Thierry Lepercq, président de Hydeal, qui m’expliquait notamment le cas unique de la Mauritanie qui a décidé de se concentrer notamment sur l’hydrogène vert au niveau énergétique et veut devenir une terre d’accueil pour des investissements et des technologiques verts et continuer son développement, de manière durable.
 
 Les milieux financiers peuvent être les premiers ambassadeurs de la transition écologique, et probablement certains de ses premiers bénéficiaires. Mais ils n'avancent pas assez vite, et c'est regrettable non seulement pour leurs propres résultats mais également pour les marchés émergents dans lesquels ils pourraient avoir un réel impact. Saisir cette occasion permettrait peut-être de redorer le secteur face aux critiques des activistes, souvent justifiées.

 Peut-être que cette Conférence des Parties marquera un tournant - après tout, c'est juste avant l'aube que la nuit est la plus sombre - et que la communauté financière reconnaîtra enfin où se trouvent les opportunités les plus intéressantes. Mais il faudra qu’un jour nous le prenions enfin, ce tournant.


Publié d'abord dans La Tribune


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