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Faire plus avec moins : l'efficience, clé de la souveraineté et de la compétitivité européennes

Chaque hiver, l'Europe grelotte à la merci de fournisseurs étrangers. Chaque été, elle suffoque sous le poids d'une énergie d'autant plus coûteuse qu'elle est gaspillée dans des infrastructures inefficaces. Nous sommes comme un géant branché sur la prise d'autrui. On ne peut pas se dire souverain si l'on doit supplier les autres pour maintenir la lumière allumée.
Alors que les USA invoquent liberté et souveraineté en s'appuyant sur l'abondance de leurs énergies fossiles, l'Europe dépend du gaz russe, du pétrole du Moyen-Orient et des panneaux solaires chinois.
Cette dépendance - de qui que ce soit - est une faiblesse stratégique. Suite à la guerre en Ukraine, l'Europe a cherché à diversifier ses sources d'énergie. Mais remplacer une dépendance par une autre est inutile. La véritable autonomie ne viendra pas de l'importation de GNL du Qatar au lieu de la Russie, ou d'un triplement des importations de combustibles fossiles des Etats-Unis pour plaire à son président. Elle viendra d'une réduction de la consommation européenne d'énergie et d'une utilisation plus intelligente de celle-ci.
Nous utilisons encore des systèmes obsolètes, datant du XXème siècle, pour résoudre les problèmes du XXIème siècle. Nos infrastructures, nos technologies et nos modèles économiques ont été conçus à une époque où l'énergie était bon marché, bien avant que les crises climatiques et énergétiques ne bouleversent la donne. Aujourd'hui, nous acheminons des marchandises à l'aide de systèmes qui ignorent les données en temps réel, nous habitons des bâtiments mal isolés et nous conduisons des véhicules thermiques qui gaspillent les trois quarts de leur carburant.
Non seulement ce n'est pas durable, mais c'est également inutile et coûteux, puisqu'une autre voie existe : l'efficience énergétique, la clé pour rallumer la puissance de l'Europe, dans les prises comme dans les esprits. Selon l'Agence internationale de l'énergie, l'efficience peut représenter plus de 40 % des réductions d'émissions d'ici 2040 ; et créer de l'emploi, baisser les coûts et la dépendance au passage. Les solutions sont là, européennes et disponibles ; il faut les déployer avec courage.
L'efficience va bien au-delà de l'isolation ou du changement d'ampoules : elle peut transformer nos industries, nos villes, nos modes de consommation. Les exemples concrets abondent : une compagnie aérienne norvégienne a économisé 13 millions de dollars en un an grâce à un logiciel d'optimisation du carburant ; la ville de Poissy a réduit ses coûts de climatisation de plus de 200 000 € par an grâce à des stores intelligents dans les écoles.
Pourtant, les progrès restent inégaux. Les fonds européens offrent une bouée de sauvetage, mais bureaucratie et court-termisme les ralentissent trop souvent.
Il existe curieusement une réticence politique à l'égard de l'efficience, à tort associée à la sobriété, facteur de décroissance économique. Là où la sobriété fait moins avec moins, l'efficience permet de faire mieux avec moins - un choix de progrès, de compétitivité et de souveraineté.
De plus, l'efficience énergétique est socialement juste. Elle réduit les factures énergétiques des ménages, protège les communautés vulnérables contre les chocs des prix et réduit les effets de la pollution sur la santé. Il s'agit, dans tous les sens du terme, d'un transfert de pouvoir, des autocraties étrangères vers les citoyens européens.
L'Europe s'enorgueillit depuis longtemps de son leadership en matière de politique climatique. Mais le leadership exige des actions, pas des aspirations. Le continent doit fixer des objectifs d'efficacité contraignants et ambitieux, appliquer de nouveaux codes de construction, accélérer l'adoption des technologies propres et soutenir les gouvernements locaux dans la mise en œuvre des changements sur le terrain.
Car la question n'est pas de savoir si l'Europe peut se permettre d'être efficiente. La vraie question est de savoir si l'Europe peut se permettre de ne pas l'être.
Publié précédemment par Les Echos, Le Soir, EFE Verde et La Repubblica.
